mardi, septembre 12, 2006

Acouphènes

Finalement si je devais décrire mon quotidien, celui-ci pourrait se résumer par un terme médical : acouphènes.

Sa définition toute simple que l’on trouve dans les dictionnaires est aisément compréhensible, elle paraît même sympathique :
« Sensation auditive qui n’est pas causée par un stimulus extérieur »
Quant elle est affective, une sensation est bien agréable.
Mais il en va autrement de ce symptôme étrange, peu reconnu parce qu’invisible, subjectif, personnel.

Mon quotidien est celui du bourdonnement permanent que j’entends nuit et jours depuis maintenant six ans.
Un son qui n’existe que dans ma tête, perçu par nul autre que moi, qui ne cesse jamais, mais qui régit ma vie, m’est familier, habituel.

Les acouphènes orchestrent mes nuits, me privant d’un sommeil réparateur et profond, me réveillant lorsque j’atteins la phase du sommeil paradoxal, me privant ainsi des rêves.

Réveillée par le calme de la maison, quant au dehors les oiseaux se sont tus, n’ayant plus la distraction des bruits de la rue, des cris des enfants, focalisée sur ce que j’entends, sur ce que je suis la seule à discerner, amplifiant ce son que je ne peux étouffer et qui par sa présence m’empêche de me rendormir.

Mon quotidien est géré par la peur des mauvaises nouvelles, des choses peu sympathiques que me disent ou m’écrivent ceux qui me touchent, qui vont m’angoisser, m’oppresser, minant un moral déjà fragile par l’apparition d’un son plus fort, m’obligeant à m’isoler du monde, me retrancher, pour essayer de calmer ce cœur qui bat trop fort et dont j’entends les pulsations dans ma tête.

La peur également quand le bourdonnement familier devient sifflement, alors je me jette quelque que soit l’heure vers des médicaments dont l’effet bénéfique n’a pas été prouvé, mais qui par la violence de mon espoir dans leur effet placebo, va calmer l’insupportable, jusqu’à le rendre sinon tolérable, mais au moins gérable.

Mon quotidien est régenté par mes coups de gueule, quand un ami qui pourtant connaît par cœur ce que je subis, commence à parler moins fort, surtout lorsque nous sommes dans un restaurant, un café, où je ne peux me concentrer sur sa parole.

Il est colère lorsque l’on se moque de moi, n’ayant compris que quelques mots où bribes de mots, je réponds à côté, ayant recrée une question qui n’était pas celle qu’on m’avait posée. Je provoque des rires. Je hais cela.

Il est aussi culpabilité quand je renvoie mes collègues dans leurs bureaux respectifs, alors qu’ils avaient décidé d’échanger des nouvelles sans importance en ma présence.
Je suis en face de mon travail ou d’un client, je viens de perdre le fil.
Mon handicap étant invisible, je peux comprendre que l’on l’oublie.

Mon quotidien est fait de risques, quand lassée par le monde qui m’entoure, je m’isole derrière mon lecteur mp3, le son poussé au maximum, normal mon audition n’est pas la votre.
Il est péril quand j’accompagne un ami à un concert. Sachant pertinemment quels en sont les dangers.

Il est énervement, quand on me dit « tu entends ? » et que non, même après avoir répété trois fois la question, ce que je devrais entendre n’arrive pas à mes oreilles.

Voilà mon quotidien. Mon habituel. Avoir oublié ce qu’est le silence.

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