vendredi, juin 12, 2009

La banalisation de l’émotion

Un avion s’écroule dans la mer, une mère jugée pour avoir tué ses enfants, des salariés qui n’auront plus de quoi nourrir les leurs, une enfant disparue, un sans abris sous une tente, un carambolage sur l’autoroute, voilà ce que nous ingurgitons 30 minutes durant pendant notre repas du soir.

Visage grave d’un présentateur impassible, images pas trop choquantes pour ne pas couper l’appétit et faire peur aux petits, notre empathie fonctionne à fond, nous plaignons, million de télé-spectateurs versant au même instant la même larme, ou poussant ensemble un grand soupir rempli de gaz carbonique réchauffant ainsi notre planète déjà tant mise à mal ainsi qu’on nous le remémore juste avant les publicités.

Notre participation à la marche du monde manipulée comme nos émotions, notre degré d’empathie grandissant en fonction du sujet visé, prochaines vacances en avion, souvenir d’un accouchement difficile, quand à celui malmené par son supérieur à son travail du jour, il se dit qu’au moins son travail existe encore.

Justification de nos vies à travers le malheur des autres. Les pauvres, heureusement que je ne suis pas à leur place, réminiscence de l’enterrement des plus âgés, et le prix d’un cercueil qu’on rapatrie dans la soute à bagage, voyager avec un mort cela donne envie de le rejoindre, non ? Ceux qui sont dans le même avion savent t’ils que tous ne sont pas vivants ?

Puis les publicités, au son bien fort pour laver la tête des images d’avant, soulagement d’une émission de télé réalité, qui va gagner ? Une chanteuse faisant un travail de serveuse ? Qui va réchapper des épreuves de l’île maudite ? Quel couple va tenir face aux tentations ?

On se rassure, nous allons pouvoir prendre un bain chaud ce soir, nous coucher au sec sur un matelas confortable, prendre dans nos bras un amant qu’aucune naïade n’essayera de nous voler car la porte de l’appartement est fermée pour la nuit.

Demain, d’autres évènements chasseront ceux du jour, toujours plus dramatiques, toujours plus terrifiants, toujours plus rassurants dans notre vie ordinaire où il ne se passe rien de grave. Nous aurons un sujet de conversation à la machine à café, c’est l’essentiel.
Tout va bien.

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