jeudi, septembre 27, 2007


Tout cet après midi, un soleil automnal à fait semblant, semblant de réchauffer le ciel, semblant d’assécher la terre, semblant d’animer cette trop longue journée.
A moins de rester derrière une fenêtre, un carreau en verre, impossible de se réchauffer. Il faudrait séjourner une demie journée sans bouger, quatre heures où il daignera encore faire son apparition, avant de décamper définitivement, vers des pays où mon budget est trop serré pour le traquer.
Je pourrais rester sans culpabilité aucune plusieurs heures derrière tous les bouts de verres lumineux que je croise. Cela n’a aucune importance.
Que je suive ou non les individus qui attendent sur le quai dans cette rame de tramway, que je prenne le suivant ou encore celui d’après, que je reste définitivement sur cet appontement n’a aucune incidence sur le reste de ma vie.

La journée pourrait s’écouler ainsi, à attendre, sans jamais monter dans une rame, à regarder le soleil se cacher derrière des nuages, à admirer le bassin qui a été creusé devant l’Aubette. Juste pour deux êtres, un chien noir et blanc qui aussitôt s’est jeté dans l’eau le museau en premier, et un enfant qui tenait à peine sur ses jambes qu’on a rattrapé à peine avant que lui aussi fasse le grand saut de dix centimètres d’eau.
Beaucoup de dépenses engagées pour le bonheur d’un chien et les cris d’un enfant.
Je me rends compte que le terminus du tramway est l’endroit où on a construit la prison. Je n’irais pas jusque là, je n’ai personne à visiter à la maison d’arrêt. Je n’ai personne à visiter nulle part.

Alors j’ai trouvé ce banc sous le soleil qui ne réchauffe pas, dans une de ces parcs bien entretenus de la ville ou pas un brin d’herbe ne dépasse du cadre qui lui est imparti, celui des bâtiments allemands massifs, carrés, aux façades décorées de statues de grès rose de ma ville.
Je ne peux fuir les rires trop aigus des trop jeunes filles. Je ne marche plus assez vite pour les semer. L’une d’entre elles s’adresse à moi, en s’excusant, me demande l’adresse de l’amphithéâtre Fresnel. Je l’ignore bien entendu. Pour qui m’a-t-elle prise ? Une étudiante attardée ce qui est flatteur ou une prof ce qui le serait moins ?
J’ignore même qui est Fresnel, si sa statue se trouve au fronton d’une université carrée, bien sur au moment où je diffuserai ces mots, je le saurais, Augustin, Jean était de 1788 à 1827 vivant, et un physicien français. Fondateur de l'optique moderne, il proposa une explication de tous les phénomènes optiques dans le cadre de la théorie ondulatoire de la lumière. Miracle d’internet. La connaissance bon marché en si peu de temps. Reposez moi la question dans un mois, je ne saurais toujours pas ni ou se situe cet amphi, ni qui était ce monsieur.
Il y a peu de monde, je me rends compte que je ne sais même pas si la rentrée universitaire a déjà eu lieu, probablement. Je me rends dans le jardin botanique, les serres sont fermées. Je sais qu’elles contiennent des nénuphars fabuleux à l’envergure démesurée. Ces fleurs interdites me ramènent toujours vers d’autres nénuphars, ceux du jardin d’un peintre que j’aime, dans une autre vie qui fut mienne.
Sur chaque banc tourné vers le soleil, se trouve posé un adepte du dieu rayonnant, les yeux fermés, le buste dressé, la tête tournée vers les cieux.
Le citronnier défends ses fruits, l’arbre possède de larges et très pointus piquants, je manque d’y laisser un doigt bien avant de réussir mon larcin.
Je m’assois dans l’herbe, elle est demeurée humide, la faute à ce fichu soleil, si tout à l’heure une tache sombre ornera mon jeans.
Je suis abritée par un massif de bambous noirs, une espèce en quatre langues, dont la plupart des lignes sont en latin. C’est un jardin qui parle latin.
Peut être que lui sait où se trouve le Monsieur Fresnel de la jeune fille d’avant.
L’air est si pur en automne, il semble si propre. Dégagé de toutes les particules de pollution en suspens de l’été, celles qui nous empêchent de réussir nos photos, trop écrasées, sans relief, presque grises.
Un nuage semble gagner sur le soleil, l’engloutir vu son énorme taille, me chasser donc du jardin sans même un fruit pour me consoler. Je ne mérite pas mon prénom.
Les adeptes du disque éblouissant vont poursuivre leur chemin, je vais être moi aussi obligée de trouver un but. Faire semblant d’en posséder un en marchant vite, tête et épaules baissées, le regard flou perdu dans d’intérieures pensées très importantes, comme si une seule qui s’en échapperait, bouleverserait le monde ou provoquerait la mort instantanée de celui qui la recevrait.
Alors il faut dissimuler, marcher très vite pour ne pas risquer d’être bousculé, garder son sac bien serré contre soi, car on ne sait jamais, regarder avant de traverser, et courir devant les feux pour ne pas perdre trois minutes devant un bonhomme rouge.

Tout cet après midi, j’ai fait semblant, semblant d’aller bien et d’être heureuse.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire