jeudi, septembre 14, 2006

Lettre ouverte (1ère partie)

J’ai décidé de vous écrire une longue lettre, par petit bout, comme on lit un livre aimé. Le posant et le reprenant sans cesse, avec impatience, avant la tristesse remplie de magie de la lecture de la dernière ligne. Celle qui vous reste au bout du cœur de nombreuses heures, fondante comme un bonbon acidulé, mêlant plaisir et amertume.

Bien sûr, il y aura moins d’enchantement dans cette missive cousue de quotidien et décousue de forme que dans le plus mauvais bouquin, mais j’espère que vous y trouverez la petite musique composant, ligne après ligne, l’envie de continuer à me lire.

Pour l’heure, mon cœur est en joie, je suis au tout début du roman, pardon de la lettre, les personnages ne sont même pas encore posés, tout n’est encore que découverte et promesse.

Il n’y aura pas de titre accrocheur, comme peut l’être celui d’un livre, ni de préface, mais vous ne me ferez pas grâce de la dédicace, imprimée en italique, je n’écris que pour vous.

J’espère cette correspondance quotidienne, malgré un ordinateur capricieux, qui hier soir pour tout horizon m’a offert un écran bleu. Uniformément bleu.
Ce bleu même malgré sa désespérance, m’a ramené à vous.

Il ne ressemblait à celui d’aucun tableau, d’aucune œuvre d’art, c’était un bleu froid, sans âme, glaçant pour celui qui a besoin d’un écran coloré pour écrire.
Synonyme d’ennui à venir, de perte de données, de disparition de vos mots, ceux qui se font désormais si rares.

Je vous écrirai donc au fil de l’eau, au fil du temps avec un crayon à la mine grasse, un cahier à gros carreaux, quitte à retranscrire et à remanier cette missive à l’infini, au bon vouloir des amis et des cafés où les claviers alignés ont remplacé les consommations et les conversations échangées.

Je quitterai la concentration de mes quatre murs pour vous emmener sur les berges de l’Ill, sur les terrasses des cafés, juste au moment où tourbillonnent les feuilles brûlées des marronniers. Je vous raconterai les gens qui passent et les couples qui se défont. Peut-être vous décrirais-je la cabine téléphonique où il y a un temps désormais lointain, je fixais mes rendez-vous à des inconnus que je n’accostais pas. Mais je crois vous en avoir déjà parlé.

Je visiterai pour vous des ruelles sombres, de larges allées, les recoins des bibliothèques, m’asseyant où bon me semblera. Il me prendra le besoin de vous écrire dans des endroits incongrus, fouillant dans mon sac à la recherche d’une providentielle feuille, je vous ai déjà griffonné des mots au dos d’un chèque.

Je vous relaterai le temps qui passe, les couleurs de l’âme, ce qui me porte vers vous. Vous n’êtes pas sans ignorer qu’une foule de choses raniment votre souvenir, des petits riens insignifiants qui ne peuvent être perçus que par moi, mais qui m’abasourdissent par leur force, par ce que vous nommiez le destin.

Un bulletin météorologique du cœur qui bat loin de vous, un récit instantané du quotidien, celui que nous avons partagé un trop bref instant, qui est désormais le chemin de l’absence.

Pensées traversantes comme des flèches qui toucheraient toujours la cible du cœur. Monologue infatigable qui remplit par des mots les vides de la tendresse.
Silence de ce cheminement sans maîtrise qui me rapproche de vous.

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