lundi, juin 14, 2010

Yves Simon – Sorties de nuit - 1993


«  Les écrivains ne pleurent pas et ils semblent heureux car il n’y a rien de plus beau que de passer son temps à voler. Voler les sentiments et les mots, voler en silence, entre le froid et le chaud des couches basses de l’atmosphère. Nous écrivons parce que nous avons oublié prières, génuflexions et repentir. Les mots sont alors des flèches envoyées dans les cœurs amarante des images pieuses pour attirer la compassion divine.

Nous écrivons et ça nous sert de chagrin. A part Dieu qui  écouterait ce qui arrive de si bas, de plus bas que terre, loin des luminaires et des armoires cirées ? Les mots que nous écrivons sentent le salpêtre et l’argile des cimetières.

Nos larmes effrayées sont là, taches d’encre sur des mouchoirs de papier paginés, reliés pour avoir belle apparence. Agents doubles, nous avons nos couvertures.

Elles nous protègent et de la transparence et du froid : couvertures à liseré ou coloris pastel pour camoufler le noir et le blanc de l’écrit, les deux couleurs du deuil.

En Orient, la mort est blanche. Ici, elle est sombre.
Noires et blanches, nos larmes glissent sur le monde – que chacun danse pendant ce temps- nous écrivons et ça nous sert de chagrin. »


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