vendredi, avril 06, 2007

En fin de compte.....

En fin de compte, je suis le produit d’une boule de neige adroitement envoyée.

Mon futur père avait alors 16 ans, ma future mère à peine 15, lorsque par une froide après-midi d’hiver, il lui envoya en plein visage, une boule de neige bien compacte.
Si elle s’est assise pour pleurer où si elle s’est mise en colère, je n’en sais rien. A 15 ans les jeunes filles peuvent encore être des enfants ou de vraies femmes. Admettons qu’elle n’ait pas pleuré, les hommes détestant tout ce qui verse des larmes. Il s’est alors tranquillement dirigé vers elle pour lui dire qu’il était dégueulasse (en 1950 il devait y avoir un autre terme pour dire cela, inadmissible donc) d’embêter ainsi une aussi jolie fille, mais que lui allait la protéger. Soixante ans plus tard, il lui prenait encore la main pour traverser la rue.

Je suis également née un matin d’hiver où il y avait beaucoup de neige. Des dizaines de mètres sur les bords des routes m’a-t-on assuré. De la neige drue et tourbillonnante sur la route qui menait à l’hôpital.

Depuis la planète s’est réchauffée, il n’y a plus de neige en hiver, juste quelques flocons qui ne suffiraient pas à faire une bataille en règle. C’est pour cela que je n’ai pas trouvé de mari. Encore que ma réaction, si on m’avait envoyé une chose froide, humide et dure en plein visage n’aurait sûrement pas été la mairie et l’église. Celui qui serait venu à ce moment aurait été victime d’un glacial accueil.

Après l’expérience du franchissement de congères surnaturelles pour atteindre un endroit où mettre décemment un enfant au monde, mes parents ont préféré ne pas renouveler l’essai. Oubliant qu’il était écrit nulle par qu’un enfant était obligé de venir au monde entre novembre et mars.
Heureusement car au vu du peu de veine qui caractérise ma vie, j’aurais sûrement été rapidement orpheline, la voiture familiale quittant l’autoroute recouverte de verglas afin de s’encastrer dans un noueux platane.
J’ai donc gardé mes parents rien que pour moi.
J’ai d’ailleurs toujours tout gardé rien que pour moi. Enfin aussi longtemps que je le pouvais. Partager est ennuyeux et apprend la patience. Or il y a bien une chose qui ne m’a pas été donnée à la naissance, c’est bien une dose de patience.
C’est probablement pour cela que je n’ai pas eu d’enfants. A cause du défaut de patience et du réchauffement de la planète.

Vous dire que je possède un chat est bien entendu superflu.

Pas de mari, pas d’enfants et des chats qui passent.

Ils meurent vite les pauvres. Ou alors dans le meilleur des cas, ils prennent la poudre d’escampette. La dernière fois, j’en ai retrouvé un à la fin du cycle séchage intensif haute température repassage inutile. Cela n’était pas volontaire, je vous le promets.
D’ailleurs celui-ci n’en n’est même pas mort. Il était juste chaud et sec. Du reste quand un chat meurt, j’insiste et je vais de suite en chercher un nouveau. Toujours des gris. Ne me demandez pas pourquoi, cela doit avoir un rapport avec la couleur de ma vie et puis le gris est une couleur qui se marie avec tous les intérieurs.

Lorsque je ne perds pas mes chats, je perds souvent mes emplois. Ceux là aussi ont la mauvaise habitude de s’enfuir dès que je me suis habituée à eux. Dès que je commence à me sentir bien à un poste, installée, confortable, la hauteur du fauteuil à roulettes bien réglé, que j’aspire à un peu de paix et de tranquillité, voilà que je relâche ma vigilance et avant que j’ai le temps de comprendre, mon boulot me quitte. Que je commette une minuscule faute d’inattention ou même pas, me revoilà entrain de pointer. Des fois il peut se passer des années entre deux emplois sans que rien ne bouge.

Quant aux amoureux, vu que de mari je n’ai point, c’est moi qui ne m’habitue pas à eux. Ils n’ont eu jamais l’idée étrange de décéder, ils ne restent pas assez longtemps pour cela. Ils déguerpissent assez rapidement. S’ils hésitent à s’en aller, c’est moi qui suis obligée de leur ouvrir grand la porte. Ils comprennent heureusement rapidement l’allusion. Cela m’arrange, car ainsi je peux pleurer sur la dureté de la vie, les cruelles désillusions de l’amour et l’incompréhension permanente qui habite ma vie.

Comme je suis têtue et dotée d’un caractère joueur, dès qu’un amoureux prend la porte, j’en fais rentrer un autre. Je suis assez jolie, la tâche est aisée et je suis toujours munie du fol espoir que le suivant sera à la hauteur des espérances que je place en lui, mais bien évidemment ce n’est jamais le cas.

Vous me trouvez une candidate idéale à la dévotion de Sainte Rita, patronne de causes désespérées ? Et bien non, malgré mes essais, cette sainte s’est totalement désintéressée de mon cas, soit pas assez pitoyable pour elle, (malgré tous mes malheurs, ceux-ci n’ont pas réussis à me rendre laide), soit que ma cause était irrémédiablement perdue. En tout cas après d’ardentes dévotions auprès de son effigie, elle lâcha sur moi une horde de pickpockets sur mon sac à main à peine ma prière achevée.

A l’heure où je vous écris, je suis quand même possesseur de deux choses sur trois. Un chat gris ayant survécu à une heure de manège en sèche linge et un amoureux grisonnant qui ne sait probablement pas comment m’annoncer qu’il ne va pas tarder à me quitter. Il me manque juste un emploi.

L’ennui quand vous êtes dépourvu d’un travail, c’est que vous êtes privés des ragots de bureaux. Ce sont eux qui alimentent les conversations que vous pouvez avoir le soir avec votre amoureux. Or celui qui n’a plus rien à entendre, s’ennuie ferme et à tendance à regarder ailleurs, par exemple vers les jolies filles qui passent à portée de ses griffes.

Le chat à force de vous voir tourner en rond dans votre appartement est empêché de faire ses siestes de quinze heures d’affilées. Il grossit, devient neurasthénique et commence à inonder vos canapés. Il est donc temps de laisser les fenêtres grandes ouvertes afin d’aérer les pièces devenues nauséabondes. A ceux qui seraient tentés d’appeler la société protectrice des animaux, je précise que j’habite au rez-de-chaussée.

Afin de laisser un peu de paix et d’espace au ronronnant, je m’éclipse donc de longues heures dans les magasins ou milles choses m’appellent à grand renfort de revalorisation de l’estime de soi perdue. Celle qui disparaît en même temps que le salaire et les conversations des collègues. Les objets et fringues s’accumulent dans des armoires déjà bondées avec la même rapidité que se vide votre compte en banque.

De toute façon depuis que je ne travaille plus, je porte toujours le même jeans et le même tee-shirt, celui qui est extensible, car à force de ne rien faire, je grossis à vue d’œil.

Plus mon compte en banque s’amincit, plus les choses se cassent autour de moi, véhicule, électroménager, canapé à force d’être inondé par le matou. A croire que tout est lié. Or voilà que les beaux jours arrivent et que mon amoureux du moment décide de partir au soleil, à l’exact instant où le banquier appelle. Je le laisse donc partir seul sous les cocotiers, aucun magasin de possédant de bikinis à ma taille.
Celui là, j’ai peu de chance de le revoir (l’amoureux, pas le maillot de bains).
Et me revoilà à nouveau seule, irrémédiablement seule….

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