lundi, janvier 15, 2007

Avoir 20 ans ailleurs

Tu ne possèdes rien à part ta jeunesse et ton sourire. Une solide joie de vivre qui fait ta force dans les moments de doute, de peur, de solitude.
Perdu sur une île minuscule que tu ne quitteras probablement jamais, tu rêves d’une vie que tu ne connais pas, mais que tu côtoies quotidiennement en servant ces touristes dont je faisais partie. Ceux qui viennent et râlent, ceux qui repartent et rouspètent. Ceux dont tu parles la langue, français, allemand, anglais, et un peu d’italien.

Ceux qui, j’en fais partie, se demandent comment on peut vivre sans connexion internet haut débit, toi qui n’auras pas les moyens de t’acheter un ordinateur. Ceux qui parlent d’acquérir une nouvelle voiture, alors que toi tu espères simplement d’avoir assez d’argent pour passer un jour un permis qui coûte si cher.

Toi qui a froid, parce que c’est l’hiver comme partout sur cette moitié de terre et que la maison de ta maman n’a pas de chauffage. Cette mère que tu aimes tant, et que tu voudrais quitter avec tant de volonté. Toi qui travailles depuis toujours parce que ton père est « parti » alors tu avais 18 ans.

Toi qui est bien conscient de la chance que tu as d’avoir un boulot de 12 heures par jour, 6 jours sur 7, toujours debout, toujours disponible, attentif et souriant et qui redoute les vacances synonymes d’absence de salaire, d’ennui, d’appréhension face au lendemain.

Toi qui m’entends parler de cinéma, alors que tu ignores ce que c’est.

Toi qui habite en « en ville », ce qui pour moi est un gros village un peu moyenâgeux.

Toi qui redoute la police, si protectrice avec nous, manne de devises, si restrictive avec les jeunes comme toi.

Toi qui est tout simplement heureux d’être en vie. Pour refaire ton monde avec des amis à la terrasse des cafés pendant les heures où tu ne nous côtoies pas, à parler des filles, celles que l’on ne voit jamais mais qui existent, bien cachées quelque part.

Une pour six garçons, heureuses sont celles que l’on laisse vivre.

Jamais je ne t’ai entendu te plaindre de quoi que ce soit et avec la grâce et la force de tes 24 étés, tu m’as donné à moi la touriste blasée, une très jolie leçon de vie.

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